Danielle Foucart (1958-2017)

Danielle Foucart nous a quittés le samedi 9 décembre. Elle laisse dans le deuil son conjoint, Michael Johnson, sa famille et de nombreux collègues et amis.

Radio-Canadienne dans l’âme, Danielle Foucart avait un amour contagieux pour la radio et les arts. Après avoir fait des études en histoire, elle a travaillé à la station d’Ottawa, puis s’est établie à Montréal.

À Montréal, elle a travaillé comme recherchiste à TV5 et pour plusieurs émissions de radio à Radio-Canada, notamment Demain la veille et Le dépanneur.

Dans les quinze dernières années, c’est surtout dans l’univers numérique qu’elle a fait sa marque. Elle a grandement contribué à la qualité du site web d’ICI Radio-Canada Première en prenant sous son aile toute une équipe d’édimestres et d’assistantes à la réalisation. Elle aura su leur inculquer une grande rigueur dans l’écriture des textes des sites d’émission et de l’audio fil.

Ceux et celles qui ont travaillé de près avec Danielle Foucart appréciaient son énergie, sa joie de vivre et sa culture. Elle avait aussi une conscience de la communauté et une grande humanité (comme on peut le lire dans le texte qu’elle a écrit lors du lock-out du SCRC, en 2002). Au syndicat, elle avait, entre autres, participé à la dernière révision des monographies d’emploi, une tâche difficile dans laquelle elle s’était complètement investie.

 

La famille de Danielle Foucart accueillera parents et amis le samedi 16 décembre 2017 au 6700, rue Beaubien à Montréal.

Danielle Foucart prend la parole lors d’une déclaration commune des édimestres à une assemblée du Syndicat des communications de Radio-Canada, en 2013.

Ce texte de Danielle Foucart écrit durant le lock-out de 2002 rappelle que, malgré la déprime qui s’installe chez de nombreux employés en lock-out, ce conflit a aussi pu avoir des effets secondaires positifs :

J’écris ces lignes quelques heures après avoir participé à la chaîne humaine. Je me souviens à peine des personnes à qui je donnais la main. En fait, pendant la minute de silence, je me suis sentie liée à tous! Il y a deux mois, j’aurais taxé cette initiative de « sympathique, go-gauche et idéaliste ». Et j’aurais été un peu gênée de donner la main à quelqu’un que je ne connais pas. Mais voilà que depuis un mois, j’expérimente un mot que j’associais à mes années d’études : la camaraderie. Tout prend un sens différent.

Je suis fascinée par cette crise! Tous les jours, je vis de belles rencontres, je salue des gens que je connais à peine, je tutoie spontanément des collègues que je vouvoyais et je danse même en plein Blogue-out – Le journal du lock-out de 2002 à Radio-Canada, 224 midis du lock-out sur le boulevard René-Lévesque! J’en oublie presque les moments « plattes » où le temps est gris et froid et la pancarte lourde sur l’épaule.

Ce lock-out me permet de vivre des valeurs autres que celles de la performance, du rendement et de la créativité efficace. La camaraderie en est une, avec ce que cela sous-tend de solidarité, d’entraide et de connivence. Nous ne sommes plus vraiment des collègues. Nous sommes devenus des camarades. Entre collègues, il y a la structure, d’abord; l’entraide, ensuite.

Le cadre a explosé. Tout ce que nous avons maintenant, c’est une cause. Il y a des jours où elle paraît désespérée. À ma grande surprise, je trouve une force dans cette désorganisation qui cherche à s’organiser. Cela ne me dérange pas autant que je le croyais au début du conflit. Je ne suis pas seule à la vivre. Et puis, il y a toujours quelqu’un pour m’encourager.

Je suis fascinée par la façon avec laquelle nous nous sommes relevé les manches pour agir. Et ça continue. Grâce à ces liens, les initiatives abondent et se diversifient: la Radio libre, le comité d’entraide, ses gâteaux et sa vente de garage, le Caneton, les commandos, les signatures de pétitions dans les lieux achalandés et j’en passe. Par ailleurs, les compétences sont bien utilisées. The sky is not the limit. La limite est créée par les êtres humains et le temps et le talent dont ils disposent. C’est réconfortant.

J’apprécie la légèreté associée à la camaraderie. La solidarité a une connotation solennelle; l’entraide est une réponse à un besoin. La camaraderie naît de l’engagement librement consenti face à une cause commune. C’est moins exigeant que l’amour et l’amitié, mais tout aussi authentique. Cette camaraderie m’aura permis de traverser cette crise en y trouvant un sens.

La camaraderie n’est pas sectaire. Il n’y a pas de clivage entre ceux qui font partie des comités et ceux qui font leurs heures de piquetage. Il n’y a pas de jugement. Je suis fascinée par l’ouverture d’esprit qui se manifeste dans les échanges et les dialogues. Nous avons le temps de nous écouter.

Cette camaraderie existait à une certaine époque, à Radio-Canada, si l’on se fie aux témoignages des plus anciens. Mais c’est devenu difficile d’établir des liens en situation de précarité et d’insécurité face à une programmation qui doit répondre de plus en plus aux lois du marché.

Oui, ce lock-out est insécurisant. Oui, j’ai peur que ça dure longtemps. J’ai aussi peur qu’il y ait des répercussions pour ceux et celles qui ont utilisé leur droit d’expression. Si « la liberté n’est pas une marque de yogourt », la camaraderie ne se marchande pas. Elle donne le courage de rire de bon cœur, de s’engager librement et de créer des liens véritables. Ce lien ne durera sans doute que le temps du lock-out ou, du moins, prendra-t-il un autre visage lorsque nous retournerons au travail. Chose certaine, le souvenir demeurera impérissable. Dans quelques années, je pourrai dire que j’y étais en 2002 et que j’en étais fière.

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